L’intelligence globale - Singularity academy
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L’intelligence globale

La singularité peut en effet être collaborative. La multiplicité des acteurs provoque la multiplicité des liens et des échanges. La singularité exige énormément de connexions, que ce soit par la technologie des mobiles, la dépendance économique ou les comportements de curiosité, de sociabilité et donc de tolérance. Quand toute ma vie devient visible à tous sur Facebook ou sur YouTube je serais mal inspiré de distribuer des bons et des mauvais points à l’emporte pièce. Plus la différenciation humaine s’installe, plus le conformisme, les solutions toutes faites, les grands principes et la pensée unique deviennent des handicaps. La singularité universelle implique la connectivité universelle et fluide. Cette connectivité implique elle même la collaborativité : une facilité, une aptitude, un goût pour le travail en équipe très éloignés parfois des mœurs de nos campagnes.

Au cours du 21ème siècle devrait arriver un moment où l’intelligence collective sera devenue si dense qu’elle pourra s’affranchir des intelligences individuelles qui la constituent ou même les interdire si elles deviennent dangereuses pour le cerveau global.

Dans ce monde, qui ressemble de plus en plus à un cerveau, la réussite économique d’un acteur réside dans sa double capacité, un peu paradoxale, à savoir se relier aux autres tout en s’en singularisant. La singularité s’impose à chaque individu dès sa naissance par le séquençage de l’ADN qui le fiche de manière unique. Il doit ensuite pratiquer assidument la singularisation s’il souhaite trouver une place interressante dans la société. Le voici amené à différencier son e-CV par des effets spéciaux dignes d’Hollywood et à faire la promotion de son profil sur sa chaîne individuelle YouTube. Les entreprises de leur côté doivent sans cesse innover pour se singulariser davantage et afficher un “avantage concurrentiel” visible qui les fasse sortir du lot des autres entreprises. Leur rêve est de parvenir à un “Océan Bleu”, ce Graal du marketing qui désigne un marché aussi vierge que le Pacifique quand Magellan le découvrit. L’état de veille devient aussi vital aux entreprises qu’aux individus. Dans les deux cas, la survie économique des acteurs dépend de leur capacité à se différencier toujours en se reliant davantage. Exactement comme des neurones au centre d’un cerveau.

Il en résulte une explosion de l’interconnexion. Les ados échangent en moyenne une centaine de sms par jour. Même les grands-mères sont désormais équipées d’un iPad qui leur permet de veiller sur le monde. Tout se passe comme si au delà d’un certain seuil de densité, d’un certain point de singularité, les cerveaux individuels fusionnaient au sein d’un cerveau planétaire, d’une intelligence globale. C’est en ce sens que notre propre définition de la singularité se confond avec celle étudiée, outre Atlantique, dans les singularity universities. Au cours du 21ème siècle devrait arriver un moment où l’intelligence collective sera devenue si dense qu’elle pourra s’affranchir des intelligences individuelles qui la constituent ou même les interdire si elles deviennent dangereuses pour le cerveau global. On rejoint là un thème classique de la Science Fiction (comme dans “2001 Odyssée de l’Espace” ou la série “Terminator” avec Schwarzie) où les êtres humains que nous sommes n’ont d’autres solutions, pour perdurer, que de se transformer en rebelles ou en terroristes.

Il en résultera sans doute des vogues et des vagues de simplification volontaire. Dans un monde devenu incompréhensible, le retour au petit village gaulois se pose comme un idéal nostalgique. Alors on recrée des villages, on recrée des frontières, mêmes artificielles, même contre-productives. Et tant pis pour la mondialisation  ! On verra demain fleurir des centres de désintoxication numérique, des monastères bouddhistes ou cisterciens, des bibliothèques minimalistes dédiées à la concentration, des oasis d’oubli, des cures de vides. On entendra des prophètes faire l’éloge de la simplicité, de la légèreté, du détachement, de l’insouciance. Pour les consommateurs comme pour les producteurs la valeur ajoutée réside désormais dans la valeur soustraite, dans la capacité des entreprises à simplifier l’acte d’achat mais également la vie de leurs clients. On s’attendait à une économie du toujours plus, c’est l’économie du toujours moins qui se profile derrière la mode du bio comme celle du commerce de proximité. On s’attendait il y a vingt ans au développement d’une économie du savoir et de l’information. Aujourd’hui le savoir et l’information ne valent plus grand chose. Tout est au bout des doigts sur le Wikipédia de votre iPhone. Ce qui est en train d’émerger sous nos yeux, c’est une économie de la relation, de la relation de proximité, personnelle, authentique, intime et chaleureuse. Tout se passe comme si du culte de la connaissance on basculait à l’appétence pour la reconnaissance. Cela suppose des aptitudes, comme la capacité à se dénicher des alliés, mériter leur fidélité ou développer des relations de confidence. La contradiction et la régression ne sont donc qu’apparentes. Même la mode de la simplicité retrouvée conduit au lien personnel direct plutôt qu’à la perpétuation des mouvements sociologiques de masse.

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